La tour mixte (mairie + commerces + logements) est plantée de jardins suspendus adaptés au micro-climat littoral caractérisé par un vent marin important dans les étages supérieurs (max. 300km/h à 50 mètres). Les arbres dans la tour sont des sculptures anémomorphes dont les essences sont choisies pour avoir une ramification souple qui plie mais ne rompt pas lors des tempêtes: Hippophae rhamnoides, Cratægus monogyna, Cupressus marcrocarpa, Tamarix gallica, Quercus ilex, Olea europaea… Des serres participatives permettent l'autoconsommation. Au sol, une place publique sur dalle accueille un marché hebdomadaire, des commerces, un jardin public actif et un jardin climacique de dune inaccessible.
Texte du journaliste Laurent Miguet de la rédaction du Moniteur :
" Knokke-Le-Zoute. Le vent sculpte une tour végétalisée
Des architectes Jakob+Macfarlane s’appuient sur des paysagistes de Sempervirens (créée en 2006 sous l’impulsion de Frédéric-Charles Aillet) pour végétaliser la tour emblématique du Biarritz belge.
Avec un néoromantisme revendiqué, le French Touch canalise le vent pour adoucir les formes et renforcer l’expression d’un signal urbain.
Devant la tour, la stimulation de la diversité des usages caractérise l’aménagement de l’esplanade de 17 000 m2.
Pour végétaliser une tour qui servira d’emblème contemporain à la station balnéaire belge de Knokke-Le-Zoute, l’agence de conception paysagère Sempervirens applique à la lettre le refrain de Bob Dylan : « The answer my friend, is blowing in the wind » (« Ecoute, mon ami, écoute la réponse dans le vent »). Le manteau frémissant des 14 étages de l’immeuble donnera au concepteur paysagiste Frédéric-Charles Aillet l’occasion d’exprimer sa profession de foi néoromantique : « L’homme doit servir la force, la beauté et la grandeur de la nature ». Tout en déformant les angles, cette force canalisée se mettra au service d’une architecture qui, avec la dominante orange des 14 étages de ses façades, vise une fonction de signal urbain.
Ecosystème dunaire
Avant de se mettre sur sa planche à dessins, Frédéric-Charles Aillet s’est imprégné de l’écosystème dunaire, au cours de deux jours de promenades solitaires. Dans la réserve naturelle locale, il a mesuré l’impact des vents, qui atteignent jusqu’à 275 km/h, sur les formes d’une végétation locale dont trois espèces vont structurer son projet : les oeillats Ammophila arenaria avec leurs boules hirsutes ; l’armérie Armeria maritima, qui évoluent elles-aussi en boules, avec des fleurs qui embrassent le spectre du blanc au rouge ; et les argousiers Hippophae rhamnoides, un des arbustes les mieux ancrés dans les dunes, et dont les baies oranges adresseront un clin d’œil à la couleur dominante de la tour. Ces sources naturelles vont contribuer à conformer le projet aux statuts de l’agence, qui fixe un seuil minimal de 80 % d’espèces locales dans la dimension végétale de ses réalisations. Les 20 % restants contribueront à la signature d’un ouvrage dédié au commerce, aux activités administratives, au loisir et au logement, autrement dit un manifeste de la mixité fonctionnelle verticale dans une cité balnéaire : outre les inévitables pins parasol qui identifient cette dernière, un cultivar de houx aux baies orange renforcera le poids de cette couleur, également reprise dans les coursives par des capucines, et par des crocus dans le patio central. Le paysagiste équilibrera cette teinte avec sa complémentaire : signature de Sempervirens, un S bleu d’ipomées, accompagnées de romarins descendants, parcourra les 14 étages.
Igloos auto-greffées
S’il vibre avec la nature pour choisir ses végétaux, le concepteur n’hésite pas à prendre le contrepied de la culture locale de l’émondage, dont ses promenades solitaires lui ont révélé l’impact urbain. A la brutalité de cette pratique, il oppose la douceur de formes d’igloos auto-greffées que permettent les saules et les charmes, utilisés sur l’esplanade comme pare-vent et pare-soleil.
Dédiée aux aménagements extérieurs, cette dernière source d’inspiration végétale révèle l’ampleur de la mission confiée par l’architecte mandataire au paysagiste, autour de trois piliers : la végétalisation de la tour, comprenant trois serres participatives et éclairées en soirée, au 6ème et au 14ème étage ; la toiture de la grande surface commerciale, plantée sur un substrat de 40 à 60 cm d’épaisseur ; et enfin l’esplanade publique, y compris dans sa fonction de voirie lourde pour l’accueil du marché.
Parmi les innovations techniques qui accompagnent le projet architectural, l’ancrage racinaire des arbres et arbustes passe par une double structure en inox : une grille contient la motte et sert d’accrochage à un filet. Dans les serres, les pots disposés sur des étagères bénéficient d’une connexion au réservoir d’eaux pluviales. L’inventivité du paysagiste s’est aussi déployée dans le choix des revêtements préfabriqués de l’esplanade de 17 000 m2, en complément du béton préfabriqué : le long des bancs linéaires adossés à la terre végétale, la rugosité du béton désactivé empêche la pratique du skate, favorisée au contraire par des dalles polies, dans un espace dédié. Désireux de favoriser la diversité des usages de l’espace public, Frédéric-Charles Aillet s’est interdit de poser des dispositifs qui interdiraient la position couchée sur ses bancs : un signe, parmi d’autre, de l’esprit de convivialité qui anime ce projet européen.